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Méthodologie : le commentaire de texte en histoire médiévale

En Histoire médiévale, la tradition universitaire a élevé le commentaire de texte au premier rang des épreuves. Il est à la base du métier d’historien. Souvent choisi, il n’en demeure pas moins la pierre d’achoppement des étudiants, et principalement pour des raisons méthodologiques. Bien souvent, malgré des connaissances historiques certaines, le texte n’est pas expliqué ou très maladroitement. Et le résultat est une dissertation.

Le but d’un commentaire de texte est d’expliquer, d’un point de vue historique, le sens du document.

I) L’introduction

L’introduction comporte quatre parties : la présentation du texte et de l’auteur ; l’analyse du texte ; le contexte historique ; la problématique et l’annonce du plan.

A) La présentation du texte et de l’auteur

– Il s’agit en premier lieu de préciser la nature ou le genre du document, autrement dit indiquer s’il s’agit d’une source narrative (chroniques, annales, récits de voyages, lettres personnelles, etc.), d’un texte normatif (canon, charte, ordonnance, traité, etc.) ou de tout autre type de document. Vous devez bien évidemment indiquer la date de rédaction, relever sa diffusion, etc. Autant d’informations pouvant aider à la compréhension du texte et à sa portée.

– La nature du document une fois identifiée, il ne faut pas hésiter à en donner une définition claire et précise, à l’aide des lexiques.

– Comment connaître la nature d’un texte ? Le premier réflexe est de se reporter aux références bibliographiques mentionnant la provenance du document (Si votre recueil de textes est correctement fait, de telles indications sont toujours présentes). Si le texte est directement tiré de l’édition, reportez-vous à celle-ci. Si le texte est tiré d’un ouvrage, consultez-le, vous y trouverez les indications recherchées.

– Les textes proposés dans vos fascicules comportent généralement un intitulé. Celui-ci désigne parfois la source ou sert à illustrer le thème abordé par le texte : « La bataille de Lechfeld », « L’éducation des jeunes nobles », etc. Il faut absolument être attentif à cette distinction. Dans le deuxième cas, l’intitulé n’est en aucun cas le titre proprement dit du texte, c’est pourquoi il ne faut pas dire ou écrire : « le texte s’intitule : les débuts du Grand Schisme… ».

ex : Imaginez un texte, par exemple un extrait du sermon Vivat rex datant de novembre 1405, du théologien Jean Gerson dont le thème principal est la réforme du royaume de France. Il serait très maladroit de dire : « le texte s’intutile : Jean Gerson et la réforme du royaume » au cas où cet énoncé figurerait comme titre. En l’occurrence, il s’agit d’un sermon .

– Si la provenance de votre source est de seconde main, ne dites pas ou n’écrivez pas que votre texte est extrait de l’ouvrage cité. Cela n’éclaire pas la nature du document.

ex : soit un texte dont la source est indiquée comme suit : Vauchez (André), « Frères mineurs, érémitisme et sainteté laïque : les vies des saints Maio († v. 1270) et Marzio († 1301) de Gualdo Tadino », Studi Medieavali, 3e série, t. 27, 1, 1986, p. 373-376.

Il ne sert strictement à rien d’indiquer que le texte est tiré de l’article d’André Vauchez publié dans la revue Studi Medieavali en 1986. Présenter la nature du document consiste à préciser que le document est extrait d’une vita de Marzio de Gualdo appartenant à un légendier du couvent de San Francesco de Gualdo Tadino en Ombrie.

– La présentation de l’auteur doit être succinte, surtout s’il s’agit d’un personnage célèbre et bien connu. Il s’agit de repérer les éléments biographiques permettant de mieux appréhender la source, etc.

B) L’analyse du texte

– C’est assurément la partie la plus difficile de l’introduction, mais incontournable. Elle consiste en un résumé des idées essentielles du contenu explicite du texte. Une analyse bien faite est un gage de réussite du commentaire, puisqu’elle permet à vos auditeurs (en l’occurrence le correcteur) de voir immédiatement si le texte est bien compris. Il vous faut un bon esprit de synthèse pour résumer les idées essentielles. Ne cherchez pas à donner des éléments d’explication.

– Vous pouvez, sans en abuser, citer des phrases du texte lorsqu’elles vous paraissent avoir une importance pour l’interprétation historique.

– Une analyse aussi longue que le texte original est forcément mauvaise.

– Dans la mesure du possible, efforcez-vous de suivre le plan du texte lorsque celui-ci est plutôt narratif. Dans le cas d’un texte normatif (charte, ordonnance, etc.), comportant de nombreux articles (10 ou +), il n’est pas percutant de vouloir résumer chacun d’eux. Essayez de repérer les articles traitant d’un même aspect, et de le définir.

ex : pour résumer les statuts de la confrérie Saint-Jacques du Mans, contenant plus d’une vingtaine d’articles s’attachant à préciser des points particuliers, il est préférable de dire : « les statuts renferment des articles relatifs aux conditions d’admission des nouveaux membres, à l’organisation de la fête annuelle dont ils précisent les messes et processions célébrées, à la prise en charge du service funéraire des membres décédés », etc.

– Lorsque plusieurs textes sont à étudier, il faut faire une analyse distincte.

C) Le contexte historique

– Souvent considéré par les étudiants comme la partie la plus façile de l’introduction, le contexte historique nécessite cependant un minimum de réflexion. Il convient de replacer le texte dans son contexte historique spécifique. Le contexte doit avoir un lien avec le texte.

– Ne cherchez pas à faire preuve d’érudition et à trop vouloir en dire.

D) Problématique et annonce du plan

– Tout texte étudié soulève une problématique. Elle découle de la bonne compréhension que vous en aurez. Votre but est de démontrer les problèmes soulevés par le document.

– Le plan sert d’armature à votre démonstration. Il n’existe pas de plan idéal, mais chaque plan doit reposer sur des bases solides.

II) Le commentaire

A) Le développement

– L’écueil le plus souvent relevé, c’est la paraphrase. De fortes chances pour que vos phrases manquent de clarté. Expliquer veut dire rendre le texte compréhensible d’un point de vue historique.

– Une règle fondamentale : il faut toujours partir du texte. Il ne doit pas illustrer vos idées. Le texte doit appeler des développements permettant de le rendre compréhensible. Il ne doit pas servir d’illustration à vos connaissances historiques, mais celles-ci doivent servir à expliciter le texte.

– Si vous commentez plusieurs textes, il faut les expliquer comme un tout. Regroupez tous les passages ayant un point commun, et ordonnez les idées selon les thèmes abordés dans les textes. Le même principe s’applique pour un texte unique, lorsque des thèmes semblables sont éparpillés.

– Ayez un esprit critique par rapport au texte. Ne prenez pas tout pour argent comptant, relevez les non dits. A l’inverse, prenez garde aux lieux communs parfois lourds de sens. Mais sachez toujours distinguer l’accessoire de l’inutile.

ex : méfiez vous toujours du nombre des personnes relevé par un auteur. Considérez le plutôt comme une estimation.

– Soyez attentifs au vocabulaire utilisé par l’auteur et à la récurrence des mots.

– Les termes techniques usuels ou difficiles doivent être expliqués dans votre commentaire.

– Utilisez les définitions à bon escient.

ex : si vous étudiez un texte permettant de comprendre ce qu’est une croisade, ne commencez pas votre commentaire en donnant une définition de la croisade que vous aurez pu trouver dans les dictionnaires ou les lexiques.

– Evitez les développements sur des événements qui se sont déroulés postérieurement à la date de rédaction du texte.

B) La forme

– La première règle est de toujours se référer au texte. Dans le cadre d’un commentaire oral, lisez le(s) passage(s) que vous expliquez ; pour un commentaire écrit, mentionnez-le(s) entre guillemets. Indiquez les numéros de ligne pour permettre à vos auditeurs qui prennent des notes de ne pas perdre le cours de votre explication et de relever plus aisément les citations.

– La présentation, l’orthographe ou l’expression orale ne doivent pas être négligées.

– Dans le cadre d’un commentaire oral, faites l’effort de ne pas lire votre devoir, mais de l’exposer, en prenant soin d’être audible. Regardez votre auditoire.

III) La conclusion

– Elle consiste à rappeler de façon synthétique l’intérêt du texte, et à en mesurer la portée.

– Terminez en ouvrant le sujet sur une problématique plus large.

Méthodologie de Laurent TOURNIER

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